Les agences de Notation enfin poursuivi par la justice !

Share

L’agence Standard & Poor’s de New York vient d’être  condamnée en Australie pour avoir attribué des notes «trompeuses» et devra indemniser une multitude de collectivités territoriales. « Enfin ! » Peuvent s’exclamer les esprits qui espèrent un peu de  justice dans la mondialisation, et que le concept de responsabilité et celui de mission civilisatrice, s’imposent dans l’univers de la finance internationale ou règne la barbarie terroriste et criminelle. Une décision qui devrait avoir des répercussions ailleurs dans le monde

La crise des subprime’s rattrape les agences de notation financière. Ces agences qui furent formellement accusées par diverses autorités judiciaire et politiques mais jamais inquiétées pour leur rôle dans la crise financière, ces agences donc, sont aujourd’hui confrontées à une jurisprudence qui les condamne. Lundi dernier, la justice australienne a condamné Standard & Poor’s (S&P) à dédommager douze municipalités qui ont perdu des millions de dollars en investissant dans des produits financiers adossés à des crédits hypothécaires. Des titres notés «AAA» et qui ont vu leur valeur chuter de 90% entre fin 2006 et fin 2008.

Le Tribunal fédéral australien a donc considéré que les notes attribuées par S&P avaient été «trompeuses» et qu’elles étaient basées sur des informations « volontairement inexactes». La banques néerlandaise ABN  AMRO, qui a émis les titres, la société financière responsable de leurs commercialisation, et l’agence américaine devront payer les dommages et intérêts réclamés par les plaignants. Soit près de 30 millions de dollars australiens.

Norbert Gaillard (consultant et économiste pour la Banque mondiale et auteur de « Les Agences de notation ») affirme que «… nous assistons à un tournant en matière de responsabilité des agences de notation. D’une part, elles sont accusées de n’avoir pas mis tous les moyens en œuvre pour juger correctement de la qualité d’un crédit. Mais, d’autre part, elles sont également tenues pour responsables d’avoir attribué des notes qui ne reflètent pas la réalité…»

Depuis la crise de 2008, les agences de notation, et particulièrement S&P, se sont retrouvées sous le feu des critiques: perte du «AAA» américain, dégradations d’Etats européens déjà en proie à des difficultés pour emprunter, reproche à l’égard de la politique monétaire de la BNS. Mais surtout, elles sont accusées d’avoir distribué de bonnes notes à des produits qui se sont avérés être toxiques par la suite. «Le rapport du Sénat américain publié en avril 2011 a montré que S&P et sa rivale Moody’s n’avaient pas suffisamment investi dans les divers logiciels de mesure du risque de crédit, qu’elles souffraient de sous-effectifs chroniques et qu’elles étaient confrontées à des conflits d’intérêts ». Les auditions ont même montré que les analystes ne croyaient pas eux-mêmes aux notes qu’ils attribuaient !

En septembre 2011, le gendarme de la bourse américaine (SEC) a ouvert une enquête à l’encontre de S&P pour les mêmes raisons qu’en Australie. Mais pour des montants bien plus élevés. L’enquête suit toujours son cours…

Il est fort probable que la condamnation australienne fasses des émules ailleurs dans le monde. «Si tel est le cas, on risque d’avoir une multiplication de procès, prévient Norbert Gaillard, surtout aux Etats-Unis. Or, si les enjeux financiers n’étaient pas très importants en Australie, il pourrait en être autrement si des fonds de retraite américains décidaient d’engager des poursuites contre les agences.» De quoi mettre en danger S&P et consœurs, constate l’expert, qui souligne, au passage, que le fonds Calpers a déjà attaqué Moody’s et S&P il y a quelques mois en Californie.

De son côté, Piper Alderman, le cabinet d’avocats des collectivités australiennes, a prévenu que la décision du Tribunal fédéral aurait forcément des «conséquences mondiales», et surtout «en Europe et aux Etats-Unis, où des produits similaires ont été vendus aux banques et aux fonds de pension». IMF Australia, la société qui a financé la plainte collective, a même prévenu qu’elle envisageait de saisir la justice en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Une plainte qui pourrait porter sur 2 milliards d’euros de produits structurés.