Le Portugal torturé par les fanatiques de l’austérité

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Un an et demi après le prétendu sauvetage européen, le Portugal doit faire face à une violente récession. Les mesures pour réduire la dette, jugées comme délirante par des économistes de tout bord, mais appliquées sous le diktat de la Commission Européenne, suscitent abattement et désespoir. L’émigration pour les jeunes portugais est à nouveau le seul espoir d’avenir. Les recettes qui ont rendu exsangues l’Afrique et d’autres continents sont à l’œuvre en Europe.

Dans le quotidien Suisse « Le Temps » une journaliste raconte comment Manuela refuse de perdre espoir. Son combat, c’est la défense des animaux. Postée à l’entrée de la gare Entrecampos, elle hèle le rare passant. Déjà indifférent, ce dernier a tendance à fuir cet étrange bâtiment neuf où règne un sentiment d’abandon. La plupart des arcades sont vides. Les trains, qui partent du deuxième étage, s’éloignent dans la brume automnale et moite de la capitale portugaise.

Quand on évoque la crise, la jeune femme commence par un long soupir. Elle-même en a fait les frais. Cette Lisboète de 30 ans a perdu son emploi dans un hôpital vétérinaire il y a peu. Réduction des coûts oblige. Depuis, elle a dû accepter un emploi moins bien payé dans un institut de beauté. Elle rêve de Pays-Bas ou de Suisse et en veut à l’Europe de pousser le Portugal dans une spirale infernale de réduction du déficit public et de récession.

Début 2011, malgré une cure d’austérité bien entamée, le Portugal est toujours étranglé par des taux d’intérêt trop élevés. Une situation qui permet des gains pharaoniques aux banques privées qui leur prêtent de l’argent et qui dans le même temps rachètent a vil prix les biens nationaux.

Totalement soumit par traité aux décisions de « gouvernance européenne » la classe politique au pouvoir n’ose toujours par remettre en cause le mensonge qui affirme que la crise provient du déficit budgétaire, alors que c’est le déficit budgétaire qui provient de la crise organisée par les marchés financiers internationaux et la mondialisation néo-libérale. Ceci découlant mécaniquement du fait que 70% des revenus du capitale et 99% des revenus financiers échappent aujourd’hui à l’impôt. Des choix politiques fait autant par les Socio-démocrates que par les socialistes. De ce fait les nations d’Europe ne peuvent faire face à leur mission car ce qui est dû au peuple n’est plus prélevé par l’impôt. Rappelons qu’au Portugal comme en France et dans l’ensemble de l’Europe les petites et moyennes entreprise qui portent plus de 70% de l’emploi payent proportionnellement 70% d’impôt en plus que les grandes sociétés.

En avril 2011, le gouvernement portugais dirigé par un socialiste sur le départ, José Socrates, se résout à demander l’aide internationale. La troïka – Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international – prend s’installe alors à Lisbonne. Elle commence alors son œuvre de réduction du déficit public, qui a atteint 7,3% du PIB en 2010.

Depuis, le pays enchaîne les trimestres de récession. Sept jusqu’ici. Et les prévisionnistes ne voient pas de croissance possible pour l’année prochaine. En parallèle, le chômage s’élève à 17% de la population active. Une situation catastrophique jamais-vu au bout de la péninsule ibérique.

La déprime règne dans les rues en colimaçon de la ville aux sept collines. Comme chez ce Portugais revenu de Suisse juste avant sa retraite. Il a lancé son entreprise, spécialisée dans les panneaux photovoltaïques, aujourd’hui il est en faillite et a tout perdu.

La récession s’amplifie – Le PIB est passé à -3% cette année.

Les Portugais, ces dernières années, ont déjà expérimenté les mesures d’austérité et les avaient plus ou moins acceptés. Il s’agissait comme en France de freiner un déficit public qui dépassait la limite fixée par le Traité de Maastricht. Mais rien d’une ampleur comparable à aujour­d’hui. Une ampleur à laquelle la France va être soumise elle aussi par la ratification du Traité de Stabilité.

«Notre pays est en état de siège», s’exclame Sandro Mendonça, attablé dans un restaurant traditionnel, où l’abondance de céramique fait rebondir ses propos en écho. L’économiste, spécialisé dans les questions de compétitivité, plante sa fourchette dans sa daurade grillée avec hargne, comme s’il la plantait dans le dos de la troïka ou du gouvernement. Il a passé au crible les mesures décidées dans le «memorandum of understanding» signé entre le Portugal et les pourvoyeurs de fonds. Dans les centaines de prescriptions, il n’en a trouvé qu’une poignée susceptible de promouvoir la croissance. « …2%, pas plus des mesures ont pour but de stimuler l’activité. Et encore ! Cela ne signifie pas qu’elles seront efficaces. Elles sont souvent marginales et imprécises », souligne-t-il, citant par exemple l’incitation aux universités à se tourner davantage vers le marché. Une mesure qui, on le sait d’expériences, augmente passablement les inégalités et en réalité affaibli la qualité de l’enseignement. Le modèle américain en est la triste démonstration.

Début septembre, le premier ministre de centre droit, Pedro Passos Coelho, annonce une baisse des cotisations sociales pour les employeurs de 23,75 à 18%. En contrepartie, les employés voient leur participation grimper de 11 à 18%. L’annonce crée un tollé. Les manifestations prennent de l’ampleur. Même les économistes et les chefs d’entreprise critiquent une décision jugée comme totalement injuste. Le gouvernement a été contrain de se rétracter.

Là encore, la contestation a, depuis, baissé d’un ton et Lisbonne a retrouvé son calme. Plus encore qu’à l’accoutumée. «Le trafic n’est plus encombré, la circulation est fluide depuis que le covoiturage a fait des émules et que les entreprises ont réduit leur flotte. C’est le bon côté de la crise», explique Vincent, un Suisse installé dans les environs de Lisbonne depuis près de trente ans, s’élançant sur les grandes artères et les petites ruelles pavées à la même allure.

Si les révoltes se sont calmées la tension reste palpable carles mesures d’austérité sont toujours poussée à l’extrême: «Pour cette année, la troïka demandait une réduction du budget de 2 milliards d’euros. Le gouvernement, qui avait dit publiquement vouloir en faire plus, avait prévu de le réduire de 5 milliards. Résultat, il s’est retrouvé avec une économie de 1 milliard parce qu’il n’avait pas anticipé la contraction de l’activité économique et la baisse drastique des revenus fiscaux», souligne Pedro Lains. De fait, le Portugal devait voir son déficit public se réduire à 4,5% du PIB cette année. Les créditeurs ont accepté de revoir cet objectif à 5% et de repousser le délai pour retrouver l’équilibre budgétaire d’un an en 2014. «Ce gouvernement est obsédé par l’idée qu’en assainissant les comptes, on créera les conditions du redémarrage, mais cela n’a jamais fonctionné. Nulle part. Et, dans ce cas, cela pourrait faire beaucoup de dégâts», prévient-il.