Étendre l’écoute jusqu’à la poésie céleste…

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Merveilles des 22 lettres de l’hébreu sacré. Une pratique, qui se dévoile comme une invitation au dialogue avec la transcendance, et reconnaît la « nature » comme messagère de la source de toute vie.

Il y a une vingtaine d’années, découvrant la beauté des évangiles apocryphes, le désir de poésie m’est revenu. J’eus l’intuition que ce « désir », je devais le partager comme un dialogue, plus encore, comme un questionnement de l’invisible. A ma manière, il me semblait nécessaire de demander à Dieu son « Nom ». De hauts lieux naturels et historiques où souffle l’Esprit, lieux que je fréquente déjà depuis mon enfance, principalement en Poitou, m’apparurent comme les écrins désignés pour cette démarche. Des lieux, souvent oubliés, comme « le Pont-des-Ondines » sur le Chambon (79), la « Carrière-Saint-Martin » de la Crèche(79), La Font-Adam (86), les « Grottes-de-Malvaux » (86)… Et aussi bien loin du Poitou : le square « Viviani » face à l’église Saint-Julien-le-Pauvre de Paris où trône un vieil acacia, le parc du Vert-Galant au Pont-Neuf sur la Seine, le Palet de Samson sur le mont qui domine Sen en Ariège, la place Saint-Philippe-Nery de l’antique Barcelone qui garde le souvenir du Kabbaliste Ramban, a Prague en recueillement devant la tombe du Maharal ou dans le cimetière oublié du Palais en Étoile…

Hommage au Maharal, devant sa tombe, cimetière juif de Prague.

Ritualisant avec la simplicité du cœur, ce que j’appelle aujourd’hui mes « lâchers de poésie », observant en quête de réponse avec un appareil photos, écoutant les volutes d’encens et osant la vocalisation de mes poèmes, les foudres du parfait amour se manifestèrent en tendresse… et parfois en humour ! Les frontières entre poésie et mystique, rituel et imagination, s’estompèrent au point de m’enseigner une pratique que je redécouvrît en la pensant. En la Brocéliande Bretonne, terre contemporaine du celto-christianisme, un kabbaliste portant le nom du dernier roi des celtes : Salomön, m’ouvrit une fenêtre sur le Sepher Yetsirah. A Barcelone, les 22 lettres hébraïques s’invitèrent en mes mains et bientôt, un peu de cette transformation offrant la paix, unique chemin de la connaissance, devint un pain quotidien, nécessaire comme la danse et les rêves.

Lecture à “l’Atelier Z” (Paris 8e), dans le cadre de l’édition d’une anthologie de poètes francophones. Recueil de poésies édité par Unicité sous la direction du poète et plasticien Pablo Poblete.

Émettre un propos, une pensée, une question, une prière, un poème, que puisse accepter la « nature » pour qu’elle en fasse, en messagère angélique, la présentation à la source de toute vie, n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué. Ce qu’il l’est bien plus, c’est notre capacité à entendre la réponse. De mon cheminement en cette pratique j’offre un témoignage, une expérience de la mise en écoute de la réponse.

« CHRIST RÉVÉLANT L’ASHERA » : Cimetière abandonnée du Palais en Étoile, Prague

Ceci en cultivant ce qui entend et voit. La réponse est d’ailleurs généralement tendue vers notre âme avant même que nous ne formulions notre juste propos, notre juste pensée, notre juste prière… La juste formulation de la question, en vérité, est celle qui nous prépare à entendre… Cette préparation a ses fermes racines en poésie et je l’ai découvert, c’est un fait commun de l’humanité depuis que l’être espère. Les maîtres sont Attar, Ibn’Arabi… Salomon Ib’n Gabirol,… Fernando Pessoa,… C’est aussi, très précisément, ce que l’on peut apprendre de plus troublant des prophètes et ce que révèlent les évangiles, en leur registre, lorsque l’on utilise le prisme, aux multiples facettes, de l’hébraïsme, et aussi de certains exégètes, et les enseignements des pères du désert… Et le silence

Et comme le « pur encens fait de mélanges (ex;30,35)» Le pur silence révèle la lumière, le chemin et la trace.

Il semble que le temps est venu d’accepter de lire la bible, comme d’autres textes sacrés en se dépouillant de nos conditionnements et d’une quantité trop importante de dogmes desséchés que portent divers systèmes de pensées, comme le sont les feuilles d’un figuier mort. Allusion n’est pas faite en cela qu’à certaines traditions religieuses ! Il est aussi des dogmes méphitiques agnostiques, paradoxalement nés des traumatismes subit du fanatisme religieux. Je pense à ces autres systèmes dogmatiques, enfants honteux des précédents, qui idolâtrent la raison ou la science, sans plus donner de place au cœur, aux rêves et aux danses singulières de l’imaginaire. Hors donc, lorsque l’on ose se dépouiller des conditionnements, à peine nos yeux se décillent, on se surprend alors à découvrir à quel point, la nature, les éléments, les arbres, les fruits et les fleurs, la lune et le soleil,… sont les compagnons concrets des méditations et des invocations dont témoignent les prophètes et les poètes mystiques.

A deux pas de la plus vieille synagogue d’Europe, dans le Gotic de Barcelone

Les Psaumes, mais aussi des prières forts simples, comme par exemple certaines du « Sidour » dit de Jérusalem, comme nombre de textes du judéo-christianisme, invitent traditionnellement, depuis des siècles, à la communion et au dialogue, par diverses pratiques rituelles et intuitives, avec la nature, considérée comme un intermédiaire fondamental et crucial avec le plan divin.

De cela témoignent saint Bernard, Cassien, Origène, saint Augustin, Denys l’aréopagite… La bible canonique, elle même, donne de multiples exemples. La nature et tout particulièrement les arbres, nos géants bienveillants, sont linguistiquement assimilés à des anges qui portent nos prières vers la source de vie, créatrice de l’univers. C’est notamment le mystère des chênes de Mamré que l’on peut lire aussi comme Mèmrâ et dévoile comment « l’engendreur » donne le « soigneur » et la création le soin… En relisant avec attention l’histoire d’Abraham, de Jacob,… de Tobias… et de même certains passages cruciaux des évangiles, l’importance de cette relation mystique épanouissante et pacifiante à la nature, apparaît comme une évidence et potentiellement la planche de salut à tous nos meaux… Et c’est un bien commun à de nombreuses traditions spirituelles et religieuses !

Il y a là une expérience et un art métaphysique du vivant que l’on peut aussi voir dans les Evangiles, autant ceux dit canoniques, que les apocryphes. Renouer avec cela, transforme celui qui pratique, apporte à chacun, en son individualité et sa façon d’être, une expérience concrète de l’unicité du vivant et renforce son âme, harmonise le plan émotionnel à ce qu’il y a de plus précieux, la joie ! De même, en douceur, cela produit ce qui est le plus urgent pour notre humanité, une prise de conscience absolue de la nécessité de respecter la vie. Il s’agit d’une posture d’amour, véritable fondement de la loi divine, à l’opposé des mœurs consuméristes. C’est surtout la clé d’une fraternité retrouvée, une promesse d’épanouissement et de sérénité.